Les terrasses marines comme proxy pour l’appréhension de l’aléa sismique...
Les grands séismes de subduction se produisent juste en-dessous des zones côtières densément peuplées et sont par conséquent la source de risques très élevés pour ces régions. Parmi elles, la côte ouest de l'Amérique du Sud, située au-dessus de la plus longue et la plus active zone de subduction connue. Ce projet se concentre sur la partie nord de cette zone de subduction, du nord de l'Équateur jusqu'au nord du Pérou.
Anticiper l'emplacement des prochaines ruptures et leur magnitude est d'autant plus important pour anticiper les risques et protéger les populations. Jusqu'à récemment, les questions posées à la communauté scientifique, à savoir "quand, où et quelle sera la magnitude des prochains séismes ?" étaient prises en compte en utilisant les caractéristiques des grands séismes passés comme approximation des événements futurs possibles. Dans ce projet, nous proposons une approche complémentaire à la surveillance moderne des déformations et des contraintes des zones tectoniquement active.
Divers types de déformations permanentes (i.e. long-terme, formées sur une période de 10^3 à 10^6 ans), en particulier les mouvements verticaux, sont couramment observés dans la plaque supérieure, juste au-dessus de l'interface de subduction. Ces mouvements verticaux et déformations façonnent la morphologie de la région côtière. D’après nos récents travaux, nous proposons que la morphologie côtière soit une image en surface de la distribution en profondeur et de la magnitude des grands séismes de subduction passés. Plus précisément, la façon dont les soulèvements et déformations côtières varient le long de la côte met en évidence quels segments de subduction sont susceptibles de se rompre et lesquels ne devraient pas produire d'événement significatif et pourraient même arrêter la propagation latérale des séismes voisins.
Cette approche est originale et à fort enjeu. En particulier, elle nécessite que 1) les soulèvements et déformations permanents puissent être mis en correspondance avec la localisation des séismes passés et leurs déformations court-terme associées ; 2) les relations mécaniques entre la déformation court-terme sur l'interface de subduction et la déformation long-terme de la plaque supérieure soient comprises.
La zone de subduction des Andes du Nord est particulièrement appropriée pour relever ces défis parce que 1) la zone côtière abrite une série de terrasses marines bien préservées qui sont des marqueurs morpho-tectoniques des mouvements verticaux ; ceux-ci fournissent un enregistrement précis du timing du soulèvement et des déformations côtières ; 2) 5 gros séismes historiques se sont produits, dont celui de 1906 (Mw 8.8) et le dernier en 2016 (Pedernales, Mw 7.8); 3) le couplage intersismique sur l’interface de subduction varie fortement du nord au sud ; enfin 4) cette zone est particulièrement bien instrumentée avec des profils sismiques à haute résolution, des catalogues complets de séismes ainsi que des vitesses GPS précises du mouvement de la croûte. Le projet s'appuiera largement sur ces bases de données et/ou sur des programmes continus d'acquisition de données gérés par les centres de surveillance nationaux, disponibles dans le cadre d'une longue collaboration avec l'IRD. Ce projet permettra de valider et d'exploiter une partie de ces données acquises et de recueillir des données de différentes sources.
Les objectifs ultimes de ce projet sont d'introduire la déformation Quaternaire dans la modélisation physique du mouvement vertical de la croûte afin 1) d'identifier les conditions favorables à l'existence de barrières sismiques (zones à faible couplage) qui contrôlent l'extension latérale des ruptures, et donc leur magnitude ; et de caractériser l'impact latéral des ruptures sismiques sur les déformations de la croûte au-dessus des zones faiblement couplées ; 2) de déterminer si la corrélation entre la segmentation sismique et morpho-tectonique est une signature temporaire ou une caractéristique pérenne.
PI : Marianne SAILLARD
FINANCEMENT ANR 2018
Organismes impliqués : Geoazur, CEREGE, ISTerre, Géosciences Rennes, EPN (IG et Département de Géologie, Equateur), ESPOL (Equateur), IGP (Pérou), INGEMMET (Pérou)
Dates : 2019-2023
Budget : 334 k€