Les Alpes constituent un laboratoire naturel privilégié pour étudier l'orogenèse en raison de affleurements exceptionnels. La structure profonde des Alpes et les processus tectoniques associés restent néanmoins controversés en raison de la complexité de la chaîne mais aussi de la faible résolution avec laquelle ces niveaux profonds ont été imagés. Pour palier ce manque, le consortium Européen AlpArray a déployé un réseau dense de stations large bande (inter-station < 52km) sur l'ensemble de l'arc Alpin ainsi que 30 stations sismiques sous-marines dans le bassin Ligure. Le projet LisAlps propose d'appliquer la « Full Waveform Inversion » (FWI) aux données télésismiques enregistrées durant AlpArray pour construire :
(1) un nouveau modèle de référence multi-paramétrique de la lithosphère et de l'asthénosphère à l'échelle de l'arc alpin (1500kmx700km) jusqu'à une profondeur de 700km à partir de l'ensemble du réseau et d'un catalogue de 300 séismes,
(2) un modèle lithosphérique haute-résolution des Alpes Occidentales centré sur la zone complexe du noeud Ligure.
Cette imagerie doit permettre de (a) préciser la géométrie et la pétrologie de la subduction continentale entre les plaques Européennes et Adriatiques, (b) améliorer la localisation de la sismicité dans les Alpes Occidentales, (c) prolonger à grandes profondeurs l'imagerie de la subduction continentale pour tester la continuité latérale des panneaux plongeants entre les Alpes Occidentales et les Alpes centrales, et préciser la géométrie du panneau plongeant dans la zone de transition entre les Alpes et les Apennins, (d) imager l'interaction entre les panneaux de vergence opposée des Alpes et des Apennins et comprendre le rôle de cette interaction dans la compression des Apennins du Nord, (e) comprendre la reprise en compression suivie de l'inversion structurale de la marge nord Ligure et l'origine de la microsismicité et des séismes occasionnels de forte magnitude dans le domaine nord Ligure. Répondre à ces questions soulève trois défis méthodologiques. Contrairement aux autres méthodes d'imagerie en sismologie, la FWI exploite la phase et l'amplitude de toutes les arrivées enregistrées dans une fenêtre temporelle significative. Cela confère à la FWI une résolution de l'ordre de la longueur d'onde et la capacité de reconstruire plusieurs propriétés physiques (Vp,Vs, densité, atténuation, anisotropie). L'échantillonnage souvent grossier des sources et des capteurs des acquisitions passives exposent néanmoins la FWI à de l'« aliasing ». Nous proposons de développer des méthodes de “compress sensing” via des régularisations fondées sur la norme l1 pour réduire ces artefacts. Deuxièmement, l'atténuation et l'anisotropie sont des marqueurs indirects de plusieurs propriétés importantes de l'intérieur de la Terre telles (composition, température, états de contrainte et de déformation). Bien que reconstruire ces paramètres de “second ordre” est un problème inverse mal posé, leur signature dans les données télésismiques est suffisante pour les imager par FWI. Enfin, la FWI est un problème inverse fortement non linéaire en raison du caractère oscillant des signaux sismiques. Pour étendre le régime linéaire de la FWI, un nouveau paradigme de la FWI reconstruit les champs d'onde avec une assimilation des données via une relaxation de l'équation d'onde avant d'estimer les paramètres de la Terre en minimisant les résidus de source générés par la relaxation (un problème linéaire). Cette approche est efficace si les ondes s'étant propagées dans l'ensemble du milieu à reconstruire ont une signature forte dans les données. C'est le cas des données télésismiques où les sources sont des ondes planes pénétrant la cible par ses bords avant d'interagir avec la topographie qui renvoie les ondes dans le milieu pour se réfléchir sur les discontinuités à imager. La faisabilité de ces approches a été vérifiée sur des cas synthétiques. Nous souhaitons tester leur potentiel sur les données d'AlpArray.
Site web : https://www.geoazur.fr/LISALPS
Financement : ANR AAPG 2019, 360k€
PI: Stéphane Operto (email: operto@geoazur.unice.fr; tel: 04 83 61 87 52), Vadim Monteiller (monteiller@lma.cnrs-mrs.fr), Stephen Beller (beller.stephen@gmail.com)
Début-Fin: Janvier 2021-Décembre 2024